Alors que la démocratie canadienne est confrontée à de nouveaux défis de plus en plus préoccupants — de la perte de confiance à l’égard des institutions au désengagement, en passant par la désinformation et les clivages —, l’éducation civique des jeunes d’âge scolaire fait, de plus en plus, figure de remède.
Toutefois, sans comprendre à quoi ressemble l’éducation civique canadienne dans les faits, il est difficile de connaître les meilleurs moyens de soutenir les enseignant.e.s dans cette matière. Afin de répondre à ce besoin, CIVIX a collaboré avec Abacus Data dans le cadre d’une enquête visant à mieux comprendre les approches et les perceptions des enseignant.e.s en matière d’éducation civique, ainsi qu’à identifier les défis à relever.
Il en résulte L’éducation civique mise au second plan, un rapport national qui s’appuie sur une enquête menée auprès de 1 922 enseignant.e.s, complétée par des groupes de discussion et des entretiens détaillés. Il s’agit de la première étude d’envergure sur l’éducation civique chez les enseignant.e.s de la maternelle à la dernière année du secondaire au Canada depuis 1968.
UN ÉCHEC SYSTÉMIQUE
Selon les conclusions du rapport, l’éducation civique est une priorité en théorie – elle est bien représentée dans les programmes scolaires provinciaux et territoriaux – mais en réalité, il y a un échec systémique lorsqu’il s’agit d’aider les enseignant.e.s à développer les compétences des élèves en matière de citoyenneté démocratique. Cette situation s’explique notamment par les éléments suivants :
La formation des enseignant.e.s est insuffisante : les trois quarts (75 %) des personnes interrogées ont déclaré que leurs formations d’enseignant.e ne traitaient pas de civisme et de citoyenneté, et près des trois quarts (72 %) ont estimé que, parfois, les enseignant.e.s chargé.e.s d’enseigner l’éducation civique n’étaient pas qualifié.e.s dans ce domaine.
L’éducation civique ne figure pas parmi les priorités de l’école : près de deux tiers des personnes interrogées ont déclaré que l’éducation civique n’était pas une priorité dans leur école par rapport à d’autres matières, et 63 % d’entre elles pensent que cela est dû au fait que l’accent est mis sur les études en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM).
Le manque d’intégration : une bonne éducation civique exige un ensemble de compétences qui s’étendent à toutes les matières. Pourtant, l’éducation civique a tendance à être cloisonnée, généralement dans le cadre des cours de sciences humaines. Les enseignant.e.s, à tous les niveaux, sont largement favorables à une approche plus intégrée. 90 % des personnes interrogées estiment que l’éducation civique devrait être enseignée dans l’ensemble du programme scolaire. Pourtant, à l’heure actuelle, seulement 36 % des répondant.e.s sont « plutôt d’accord » pour dire que l’éducation civique est intégrée de manière transdisciplinaire dans leur école.
VERS UN MODÈLE EXPÉRIENTIEL AXÉ SUR LES ENJEUX
Lorsqu’il est question de plus d’éducation civique, nous partons souvent du principe que le problème est d’ordre quantitatif. Or, c’est la forme que prend l’éducation civique en classe qui importe le plus. La recherche en matière d’éducation montre que l’éducation civique est plus efficace lorsqu’elle est fondée sur des expériences et qu’elle permet aux élèves de s’engager de manière approfondie et réfléchie dans les valeurs et les processus démocratiques ainsi que dans les enjeux réels.
Les répondant.e.s ont notamment indiqué avoir recours à des discussions en classe sur des enjeux civiques. Cependant, le rapport soulève des inquiétudes quant à la forme et à la fréquence de ces discussions.
La salle de classe peut être un espace propice pour aider les élèves à acquérir une certaine résilience face à la polarisation en apprenant à aborder des enjeux épineux et des opinions divergentes dans un environnement sécurisant. La recherche a démontré l’intérêt de discuter régulièrement de sujets politiques, mais pour être efficaces, ces discussions doivent être encadrées par des protocoles et des activités en petits groupes, plutôt que de se dérouler de manière spontanée.
De plus, plusieurs facteurs externes peuvent entraver la qualité des discussions. Parmi les enseignant.e.s interrogé.e.s, seul.e.s 55 % sont d’accord pour dire que leur école les encourage à discuter d’enjeux controversés ou politiques en classe, dont seulement 11 % sont tout à fait d’accord. Par ailleurs, 60 % des enseignant.e.s déclarent craindre les réactions négatives des parents s’iels abordent des enjeux politiques en classe.
Pour CIVIX, le développement des capacités des enseignant.e.s à fournir une éducation civique engageante, qui provient de l’expérience et de qualité est indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie. L’éducation civique mise au second plan propose une série de recommandations ambitieuses visant à améliorer la pratique de l’éducation civique et à en faire une priorité.
« Nous comptons sur les écoles pour développer les compétences citoyennes des élèves, ce qui impose une grande responsabilité aux enseignants », déclare M. Pavlounis. « Pour réussir à former la prochaine génération de citoyens actifs et informés, ils ont besoin d’un bien meilleur soutien à tous les niveaux. »
Les résultats détaillés et les recommandations figurent dans le rapport L’éducation civique mise au second plan, disponible en ligne à l’adresse suivante : www.civix.ca/secondplan.
ABACUS DATA ET RECHERCHES CONNEXES
Abacus Data est une agence canadienne d’études de marché et d’opinion publique, spécialisée dans les sondages politiques. En tant que collaborateur de longue date de CIVIX, Abacus a mené l’enquête et les groupes de discussion sur lesquels s’appuie L’éducation civique mise au second plan. Abacus a ensuite interrogé les Canadien.ne.s afin de savoir ce qu’iels se rappellent de leur propre éducation civique.
Les résultats suggèrent que l’éducation civique de la maternelle jusqu’à la fin du secondaire au Canada n’est pas particulièrement mémorable parmi tous les groupes d’âge adulte. Bien que la politique canadienne fasse partie des programmes scolaires obligatoires dans chaque province et territoire, plus de 60 % des jeunes âgé.e.s de 18 à 29 ans déclarent ne pas se souvenir d’avoir appris au sujet du gouvernement ou des moyens de s’impliquer dans leur communauté.
Les résultats obtenus semblent plaider en faveur d’une approche qui permet aux élèves d’établir des liens avec les enjeux qui les affectent au quotidien.
Pour plus d’informations, visitez le site (en anglais seulement) :
https://abacusdata.ca/canadians-lack-basics-of-civic-education/